Croquettes chat vegan : notre avis vétérinaire
Les industriels du petfood s’inspirent de plus en plus des tendances alimentaires humaines. D’abord, les allégations de type « sans colorant ni conservateur », « sans OGM » ou « sans arôme artificiel » se sont généralisées sur les paquets de croquettes pour chat. Puis on a vu émerger les produits Bio ou sans gluten, et maintenant, ce sont les recettes vegan qui ont le vent en poupe. Ces dernières, certifiées sans ingrédient d’origine animale, témoignent d’une sensibilisation grandissante aux enjeux éthiques et écologiques de notre époque. Mais elles sont loin de faire l’unanimité : si certains y voient un moyen de minimiser l’impact environnemental de l’élevage, d’autres s’inquiètent des implications nutritionnelles pour nos amis félins, qui par nature sont carnivores. Alors que faut-il penser des croquettes vegan pour chat ? Je vous livre ici mon avis vétérinaire.
L’alimentation vegan chez les chats : entre défis et solutions
Le chat est aujourd’hui perçu comme une adorable boule de poils, avide de caresses et de longues siestes sur des coussins moelleux. Mais n’oublions pas qu’il descend de Felis silvestris, un fauve émérite dans l’art de la chasse. Ce chat sauvage fut domestiqué par l’Homme aux prémices de l’agriculture – il y a environ 8000 ans – pour traquer les rongeurs qui menaçaient les réserves de céréales.
Et jusqu’à la commercialisation des premières croquettes et pâtées industrielles dans les années 60, les chats domestiques ont dû continuer à chasser pour compléter les quelques restes de table qu’on voulait bien leur donner. En conséquence, leur régime alimentaire n’a pas vraiment évolué : nos amis félins sont restés des carnivores stricts, avec un système digestif adapté à la consommation quasi-exclusive de produits carnés. Cela étant posé, on devine qu’il n’est pas simple de répondre aux besoins nutritionnels des chats avec une alimentation vegan, qui par définition écarte toute matière d’origine animale de sa composition. Mais est-ce vraiment mission impossible ?
Étant carnivore strict, un chat s’expose à des carences si l’on exclut les ingrédients d’origine animale de son alimentation. Et ces carences sont préjudiciables à sa santé et à son bien-être.
Une notion importante de nutrition peut nous aider à mieux comprendre cela : celle des nutriments essentiels et non essentiels. Les premiers ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme ; leur apport doit donc nécessairement se faire par l’alimentation. Les seconds peuvent être fournis par les aliments, et ils seront alors utilisés par l’organisme, mais en leur absence celui-ci saura les fabriquer de façon autonome, à partir de précurseurs ou d’autres composés. Quelques exemples : des protéines peuvent être converties en glucose, des provitamines en vitamines, ou encore certains types de graisses en d’autres.
Enfin, il existe une troisième catégorie de nutriments, que l’on qualifie de quasi-essentiels, tant ils sont nécessaires en quantités importantes à certains stades de vie (comme la carnitine pendant la croissance), ou tant les quantités de précurseurs nécessaires à leur production suffisante pourraient s’avérer délétères.
Cette notion étant introduite, sachez que plusieurs nutriments essentiels ou quasi-essentiels pour l’espèce féline ne peuvent être issus que du règne animal. C’est le cas notamment de la taurine, la vitamine B12 ou l’acide arachidonique. Nous voilà mal engagés pour un régime vegan !
Cependant, les croquettes sont un aliment technique, dont la composition peut être adaptée pour répondre à tous types de besoins pour nos animaux de compagnie, pour tous les stades de leur vie. Par exemple, les petfooders ajoutent systématiquement de la taurine dans les croquettes pour chat, car il s’agit d’un acide aminé essentiel qui autrement ne serait pas présent en quantité suffisante. Ainsi, on peut considérer qu’une recette de croquettes chat vegan est possible, à condition que les nutriments essentiels et quasi-essentiels manquants soient ajoutés à la préparation. Et si l’on exclut tout ingrédient d’origine animale, il faut donc recourir à des analogues de synthèse, fabriqués en laboratoire.
Croquettes végétariennes, vegan ou végétaliennes : quelles différences ?
Autre défi de taille : les chats ont besoin de consommer une grande quantité de protéines. Avec une recette 100% vegan, l’apport protéique proviendra de céréales ou de légumineuses, qui contiennent également une forte proportion de glucides. On se retrouve alors avec un apport excessif en glucides qui seront difficilement assimilables par le chat, causant des troubles digestifs. Il reste envisageable de limiter l’apport en glucides en isolant les protéines végétales par des méthodes d’extraction ou de purification, mais un tel concentré de protéines est généralement peu appétent.
Vous l’aurez compris, le jeu des nutriments essentiels, couplé au besoin de formuler une recette à partir de plantes seulement, oblige les fabricants à jouer aux apprentis sorciers pour trouver les bons équilibres, et à piocher dans un arsenal de molécules issues de la chimie. On se retrouve ainsi avec un assemblage bringuebalant de protéines végétales, de glucides en excès et d’additifs nutritionnels de synthèse. On est loin de l’imaginaire santé et nature auquel aspirent les adeptes du vegan !
Croquettes chat vegan : que penser de l’offre actuelle ?
Quand on se met à chercher des croquettes vegan pour chat sur internet, on fait vite le tour : il y a très peu de références, et elles sont toutes fabriquées hors de l’hexagone. Il est donc difficile voire impossible pour un consommateur français de se les procurer…
Amì CATS | Benevo Cats | Veganpet Cat Food | Evolution Diet Cat Kibble | Wysong VEGAN Natural Food for Dogs & Cats | |
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Aperçu | |||||
Protéines | 33,0 % | 27,5 % | 30,0 % | 30,0 % | 26,0 % |
Lipides | 13,0 % | 12,5 % | 14,0 % | 14,0 % | 10,0 % |
Fibres | 3,5 % | 3,5 % | 2,5 % | 3,5 % | 5,0 % |
Minéraux | 5,9 % | 6,0 % | 6,0 % | Inconnu | Inconnu |
Glucides | 36,6 % | 43,5 % | 38,3 % | Inconnu | Inconnu |
Densité énergétique | 3760 kcal/kg | 3759 kcal/kg | 4340 kcal/kg | Inconnu | Inconnu |
Rapport protido-calorique | 87,7 | 73,1 | 69,1 | Inconnu | Inconnu |
Suit les recommandations de l'AAFCO ou la FEDIAF pour les nutriments essentiels et quasi-essentiels | |||||
Origine | Italie | Royaume Uni | Australie | Etats-Unis | Etats-Unis |
… et ce n’est peut-être pas plus mal ! D’abord parce que, si les marques suivent généralement les recommandations de la FEDIAF (Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers) ou de l’AAFCO (American Association of Food Control Officers, l’équivalent américain de la FEDIAF), certaines ne fournissent pas l’intégralité des informations nutritionnelles habituelles partout ailleurs (voire obligatoires), comme l’incontournable taux de minéraux. Cela ne facilite pas l’analyse nutritionnelle – il est dès lors impossible de calculer le taux de glucides, la densité énergétique, et le rapport protido-calorique – et ne rassure pas si l’on veut comparer le vegan au reste du monde.
Ensuite, lorsque la composition analytique est plus transparente, on constate que les taux de glucides des croquettes vegan sont au plafond, dépassant parfois les 40 %. C’est bien trop pour nos chères boules de poils, qui digèrent mal les glucides et savent synthétiser les sucres dont ils ont besoin par leurs propres moyens.
Mais surtout, il est manifeste que les croquettes chat vegan ont une teneur en protéines trop basse et/ou une densité énergétique trop élevée, ce qui donne un rapport protido-calorique (RPC) assez faible, généralement inférieur à 75. Et là, vous vous demandez sûrement : mais c’est quoi, ce RPC ? Il s’agit tout simplement d’un indicateur permettant de s’assurer qu’un aliment apporte assez de protéines pour couvrir les besoins journaliers de nos compagnons à quatre pattes. La valeur minimum recommandée est de 74 pour un chat entier et actif, 87 pour un animal stérilisé ou sédentaire, et 104 s’il est à la fois stérilisé et sédentaire. Précisons aussi que pour les croquettes pour Maine Coon, on conseille des valeurs de RPC 15% supérieures, car cette race de chat a un besoin accru en protéines.
Sachant cela, il ressort que seule la marque italienne Amì propose des croquettes vegan pour chat qui ont un RPC suffisant pour couvrir les besoins des chats entiers et actifs, voire stérilisés ou sédentaires. Par contre elle ne répondent pas aux exigences des animaux stérilisés et sédentaires.
De plus, des chats ont présenté des problèmes de santé suite à une transition vers ces croquettes vegan, comme cela été documenté dans cette étude. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation. D’une part, une analyse chimique des aliments mis en cause a montré que certains nutriments étaient en réalité en quantité insuffisante au regard des recommandations de la FEDIAF. Et d’autre part, la qualité est aussi importante que la quantité : la digestibilité des protéines végétales et des nutriments de synthèse est souvent inférieure à celle de leurs équivalents d’origine animale.
Mon avis vétérinaire sur les croquettes vegan pour chat
Nourrir un pur carnivore comme le chat sans produits d’origine animale relève du défi technologique (et du non-sens), tant l’espèce féline a des besoins nutritionnels intimement liés à son état de prédateur. La Nature est bien faite dit-on, et s’il est si difficile de concevoir une croquette chat vegan de qualité, c’est peut-être qu’elle n’a pas lieu d’être. C’est comme fabriquer des ersatz de viande vegan pour les humains : ça en a le goût, la texture, la mâche, et même la forme et la couleur ! Tout ça au prix de process technologiques complexes et énergivores. À quoi bon ? Si on est végétalien, pourquoi vouloir mimer la viande ? Et si on a un chat que l’on aime, pourquoi vouloir lui imposer un régime contre-nature ?
Mais pourquoi pas, après tout, si tant est qu’il soit possible de fabriquer de bonnes croquettes chat en respectant la philosophie végane. Lorsqu’on analyse la composition des références vegan disponibles sur le marché, on voit que les fabricants jonglent avec les produits végétaux hautement transformés (gluten de maïs, protéines de pommes de terre ou de riz, extraits de protéines végétales) et les additifs de synthèse pour tenter de booster les teneurs protéiques et obtenir un spectre complet de nutriments essentiels.
En vain. Plusieurs études scientifiques de ces dix dernières années en témoignent : les croquettes vegan pour chat ne sont pas équilibrées, y compris lorsque les constituants analytiques promis sur l’étiquette semblent en adéquation avec les recommandations des instances internationales. Des carences sont à déplorer quand les produits passent au banc d’essai : acide aminés soufrés, taurine, acide arachidonique, calcium, phosphore, cuivre, zinc, ou encore vitamines A et D, et à cela s’ajoute le problème de la digestibilité des nutriments. Ça fait beaucoup, et ça rappelle à quel point le concept de croquette vegan pour chat est fragile.
Au-delà du véganisme : vers une alimentation respectueuse du bien-être animal
Vous êtes probablement en train de lire cet article parce que la question du bien-être des animaux de rente (c’est-à-dire les animaux élevés pour la production de denrées alimentaires) vous touche profondément. Saluons cette empathie, car on oublie trop souvent ces milliards d’animaux qui sont exploités chaque année dans la souffrance, pour le seul intérêt des humains.
Alors rassurez-vous, si les croquettes vegan sont déconseillées pour les chats, il existe plusieurs alternatives pour les consommateurs responsables que vous êtes. Chacune avec ses forces et ses faiblesses :
- Croquettes et pâtées fabriquées à partir de viandes d’animaux élevés en plein air et de poissons sauvages : elles garantissent un niveau de bien-être plus élevé que dans les élevages 100% concentrationnaires, grâce à un accès à l’extérieur. Mais ça n’est pas la panacée, car la mention plein air ne garantit pas la satisfaction de tous les besoins fondamentaux des animaux.
- Croquettes et pâtées Bio : elles sont basées sur le cahier des charges européen de l’Agriculture Biologique, qui garantit non seulement l’accès à l’extérieur des animaux, mais aussi leur alimentation en bio et l’exclusion d’un certain nombre d’additifs du produit fini. Un pas en avant, bien que le niveau d’exigence du Bio ne soit pas toujours suffisant en matière de bien-être animal ou d’origine des produits.
Pour les plus motivés, d’autres solutions existent, et relèvent pour le coup d’une autre philosophie pour l’alimentation de nos chats : une approche où l’on s’implique, où l’on passe du temps et à laquelle on accepte de consacrer un budget supérieur. Les voici :
- Les rations ménagères : elles vous donnent un total contrôle sur le sourcing de vos ingrédients carnés : viandes Bio et locales, élevage extensif, gibier sauvage, poisson pêché à la ligne… à vous de définir vos exigences en matière de bien-être animal. Mais il faudra aussi vous informer, vous organiser et passer en cuisine, sans oublier d’ajouter un complément minéralo-vitaminique à la ration (qui peut être 100% naturel).
- Le BARF, ou alimentation à base de viande crue : sans conteste le mode d’alimentation le plus proche des besoins biologiques de nos chats. Mais attention, ce mode d’alimentation ne se résume pas à distribuer des restes de viande crue. Un juste équilibre avec abats, os, fruits et légumes et quelques additifs naturels sera nécessaire. Comme pour la ration ménagère, il faudra se relever les manches : calculs de ration, chaîne du froid, stockage. Du boulot donc, surtout au début, mais sachez que des ressources peuvent vous accompagner, et qu’une fois l’habitude prise, la logistique devient fluide.